Marketing du vin : Les salons off sont-ils en péril ?

Marketing du vin : Les salons off sont-ils en péril ?

(19/01/2011)
La décision du tribunal de commerce de Bordeaux qui, en décembre dernier, a condamné le salon off des vins italiens en juin 2009 à Vinexpo, a jeté un froid dans le monde du vin et relance le débat sur ces mini-salons organisés en marge des manifestations officielles : parasitisme économique ou complémentarité… Les avis divergent en fonction des conditions d’organisation de ces salons off.

A l’origine du conflit...
Qu’en pensent les organisateurs de salon ?
Consternation chez les partisans du off
Vinexpo adapte son offre

A l’origine du conflit...

Quelques jours avant l’ouverture du salon Vinexpo de Bordeaux 2009, une tente de 600 m2 était installée par Ital Assist, société de promotion des produits italiens, dans l'enceinte du Novotel qui jouxte le Parc des expositions de Bordeaux. Cet espace d’exposition rassemblait 72 exposants italiens venus présentés leurs vins sous l’enseigne ITALISSIMA. Pour inviter les clients à venir déguster leurs vins, les organisateurs d’Italissima ont largement utilisé le nom de Vinexpo. L’initiative irrite les organisateurs de Vinexpo qui portent l’affaire devant les tribunaux. Le 10 décembre dernier, le tribunal de commerce de Bordeaux leur a donné raison. La société Ital Assist est condamnée pour « parasitisme économique » à verser à l'organisateur de Vinexpo une amende de 150 000 euros. Les juges ont estimé qu’en utilisant les termes « dans le cadre » de Vinexpo et le nom de Vinexpo dans sa communication ainsi qu’en s’implantant à cet endroit précis, en même temps que Vinexpo, la société ITAL ASSIST avait créé une confusion avec le salon Vinexpo. «L’opération de la société ITAL ASSIST portait préjudice aux exposants qui investissent à Vinexpo et travaillent fidèlement avec nous depuis 30 ans. J’espère que ce jugement découragera toute velléité d’exploitation sauvage des efforts déployés pour que Vinexpo reste le salon international des vins et spiritueux leader au monde », argumente Robert Beynat, Directeur Général de Vinexpo SA. Ital Assist a fait appel à titre conservatoire, pour se laisser le temps d’une négociation à l’amiable. « Je ne comprends pas cette décision, affirme Anna Taddonio Serio, en charge de cette manifestation, 40% des producteurs italiens d’Italissima avaient un stand à Vinexpo. Ils souhaitaient valoriser leur investissement en organisant une dégustation pour leurs clients dans un lieu plus restreint. J’avais demandé à Vinexpo un lieu pour organiser cette dégustation au sein du salon, cela m’a été refusé ».

Qu’en pensent les organisateurs de salon ?

« Les salons off, c’est la rançon du succès" précise Robert BEYNAT. "Nous n’avons rien contre les événements organisés par les Châteaux en dehors des heures d’ouverture du salon, bien au contraire, cela participe au succès de Vinexpo. Nous n’avons jamais réagi contre les salons off organisés en marge de Vinexpo, du moment qu’ils se tenaient en centre ville ou à une distance respectable du parc des Expositions, même si nous avons dû, à l’occasion, limiter l’accès les navettes qui faisaient la jonction avec certains sites off. Mais Italissima était à proximité immédiate du salon. C’était la limite à ne pas franchir ». « Je suis solidaire des organisateurs de Vinexpo, confie Ahmad MONHEM, directeur du salon Vinisud organisé chaque deux ans à Montpellier. « Nous déployons d’importants moyens de communication et de promotion pour faire venir des acheteurs du monde entier sur le salon. II n’est pas normal que d’aucuns profitent de ces moyens promotionnels et attirent nos visiteurs en dehors de l’événement officiel. La décision de justice le confirme ». Le directeur de Vinisud précise qu’il n’a rien contre les exposants qui organisent des événements privés en marge du salon. « Le problème se pose pour ceux qui ne sont pas présents sur le salon et profitent, à coût réduit, de l’affluence de visiteurs qu’ils détournent du salon ». La décision du tribunal de commerce de Bordeaux l’amène d’ailleurs à réfléchir à l’éventualité d’actions en justice. Au salon des vins de Loire à Angers, qui ouvre ses portes en fin de mois, Christian GROLL, directeur du parc des expositions d’Angers est plus nuancé : « A ce jour, nous ne souffrons pas de la concurrence de salons off, car l’offre est très limitée. Il n’existe que le salon bio et biodynamie qui, jusqu’à cette année, se déroulait juste avant l’ouverture de notre salon. C’est une offre complémentaire qui ne nuit pas au salon des vins de Loire, car les exposants et les produits présentés sont différents ». La vigilance sera pourtant de mise cette année où, pour la première fois, les dates des deux salons s’entrecroisent sur la journée du dimanche. Quant à Thierry JULIEN, président du Salon Millésime bio qui ouvre ses portes ce lundi 24 janvier à Montpellier, les salons off ne l’inquiètent guère. « Ces événements nous énervent un peu, mais on ne pourra jamais l’empêcher. Notre force est de garantir que tous les vins présentés sur le salon sont certifiés bio ce qui n’est pas le cas sur les off où l’on trouve de tout. Qui plus est, nous sommes sans doute le salon le moins cher avec un coût inférieur à 1 000 € pour trois jours ».

Consternation chez les partisans du off

Du côté des organisateurs et des partisans des salons off, c’est la consternation. «Le Festival de Cannes a encouragé très vite la création de salons off, c'est ce qui a fait sa gloire mondiale et son caractère incontournable. Depuis, pour tout événement, le signe de l'influence et du succès, c'est la dimension du off qu'on favorise et qu'on organise quand on est des professionnels soucieux du succès de ses exposants (de ses clients) », commente un de nos lecteurs sur Vitisphere.com . « Les organisateurs de Vinexpo, les réceptifs, la ville devraient réfléchir pour accueillir ces initiatives intelligentes et qui réunissent effectivement des vignerons de qualité. Vinexpo pourrait exiger un droit, moins élevé que la participation au salon lui-même. Aujourd'hui le parc des expositions, bien que de très grande taille devient trop petit pour accueillir la viticulture du globe ..." Pourquoi ne pas favoriser des "off" sous forme de villages nationaux ou régionaux disséminés à travers la ville », suggère un autre. Caroline LUNEL, du restaurant le Patio à Mauguio, qui organise depuis plusieurs années de nombreux salons off en marge de Vinisud et de Millésime bio avoue son incompréhension : « les salons off nourrissent le in et vice versa. On ne peut quand même pas empêcher les gens d’aller voir ailleurs; les salons off sont souvent un bon moyen pour les petits vignerons de démarrer en se créant une clientèle afin de pouvoir ensuite exposer sur le salon officiel. C’est également la possibilité pour le vigneron de recevoir ses clients dans un lieu plus intime où l’ambiance est plus chaleureuse et où les visiteurs peuvent être« chouchoutés ». Le coût du stand est la raison la plus fréquemment évoquée pour justifier l’organisation des salons off.

Vinexpo adapte son offre

Le débat n’est pas totalement vain puisque pour son édition 2011, Vinexpo propose dans le Palais des Congrès, un nouvel espace «Tastings by Vinexpo », entièrement dédié à l’organisation de dégustations. Du coup, le salon des vins bio d’Aquitaine tout comme la Fédération des associations de femmes vigneronnes qui, tous deux en 2009, organisaient des salons off en marge de Vinexpo, rentrent dans le rang et seront présents dans ce nouvel espace Tasting lors de Vinexpo en juin prochain. Est-ce pour autant la fin du off à Vinexpo ou simplement l’encadrement des salons off dans des limites acceptables pour les organisateurs et exposants officiels ? Réponse en juin prochain.

Origine information: Vitisphere.com