Cépages autochtones et viticulture extrême
Il y a une chose, voire plus d’une, dite par Olivier Poussier lors de sa masterclass à Vinisud, qui m’a beaucoup plu.
Très certainement parce qu’elle va dans le même sens que mes idées à ce sujet, c’est l’importance des cépages autochtones. Il paraîtrait que Jancis, la copine de Vendredi, augurait, il y a une bonne dizaine d’années, d’une uniformisation des cépages. Pariant sur l’hégémonie de plus en plus importante des délicieux internationaux : Chardonnay et Merlot en tête, suivit des Cabernet et du Sauvignon, plus encore une petite poignée d’autres. Elle a dû changer d’avis aujourd’hui…
Bref, rien de telle que la variété. Elle nous apporte richesse et complexité, désolé pour les économies d’échelle, les envies de simplification, les volontés réductrices…
Et rien de tel qu’un bon exemple de renaissance ou plutôt de résurrection de cépages, surtout quand ils sont insulaires. La viticulture y est souvent plus compliquée et plus chère.
Au large de Valencia
À moins d’une centaine de kilomètres des côtes espagnoles, l’île de Majorque abrite un petit vignoble. Situé au sud-est de son territoire, il occupe principalement la zone de Felanitx. Les vignes y partent du niveau de la mer pour monter jusqu’à une centaine de mètres. Où elles occupent les parties assez plates composées de cailloutis calcaires.
Mallorca
La plus grande de l’archipel des Baléares s’étend sur une superficie de 3.626 km2. Son point le plus haut, le Puig Major, atteint les 1.445 mètres d’altitude. Et comme son nom en donne l’indice, la population riche de 814.000 âmes parle une variante du Catalan. L’île est occupée depuis la préhistoire et le vignoble y a été installé par les Phéniciens, mais c’est l’occupation romaine qui développa la production d’un vin comparé aux meilleurs crus italiens selon Pline l’ancien. La période arabe ralentit selon les périodes les volumes produits. La Reconquista en 1229 par Jaime I assure un nouvel essor à la viticulture jusqu’à l’arrivée du phylloxéra fin du 19e s qui détruisit la quasi-totalité des 30.000 ha en culture présents en 1890. Après une longue période de marasme qualitatif, il a fallu 100 ans pour que dans les années 90 reprennent enfin l’envie de faire de caractère. C’est en 1994, que le domaine Amina Negra fut fondé.
Quíbia 2009 Vi de la Terra MallorcaÀN negra
Jaune pâle où se miroitent quelques nuances vertes.
Le nez offre des accents de pomme douce qui se vivifient de notes acidulées de citron jaune, puis le fruit blanc se teinte d’une pointe de cannelle et d’une branche finement ciselée de fenouil, enfin, l’iode rappelle la proximité marine.
Un grain de poivre rebondit sur la langue et s’amortit dans les agrumes confits, puis glisse jusqu’au pain d’amande qu’il enrichit de ses fragrances épicées. Comme le poivre s’accompagne généralement de sel, une impression rafraîchissante d’embruns apporte un effluve vif qui souffle sur la fin de bouche. Voilà un crescendo aromatique qui nous surprend comme la vague d’un coup poussée par le vent.
Un rien de technique pour qui aime
Composé de cépages locaux, Quíbia associe 60% de Premsal à 40% de Callet. La vendange se fait en petites cagettes de 10 kg et est recouverte de neige carbonique pour éviter l’oxydation. Les raisins macèrent une dizaine d’heures à basse température avant d’être pressés et fermenté à 17°C. L’élevage en cuve ciment sur lies dure trois mois.
ÀN negra
La bodega se situe au sud-est de l’île près de Felanitx. Dès le départ l’accent fut mis sur l’identité insulaire et par conséquent sur l’élaboration de vins à partir de cépages autochtones comme le Premsal Blanc, le Fogoneu ou le Callet. Ceci explique en partie le vœu de demeurer en dehors de l’appellation Pla i Llevant qui s’étend sur toute la partie Est de l’île. Leur production de blanc n’a démarrée qu’en 2005, un curieux assemblage du blanc Premsal et du vigoureux rouge Callet vinifié en blanc.
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